Les premiers contacts:
Au début des années 1990, je me rendais souvent avec mon père chez
mon oncle Jean à Saint-Mathieu-du-Parc. Nous passions par la 40 et
prenions la route de Louiseville vers le nord
en passant devant
l'usine de l'Associated Textiles. On croisait bon nombre de petites
maisons de campagne abandonnées, et chaque fois mon père disait : "Wow,
la charmante petite maison!" je voyais une petite maison
en bois, un genre de 16' x 16' de style colonial français...
Aujourd'hui, je suis passé sur les mêmes routes, j'ai vu les mêmes
maisons, mais cette fois elles sont en état de décomposition.
Été 2008,
direction
réserve faunique La Mastigouche. En route, passant par Louiseville:
un large bâtiment en briques
rouges et un
grand château d’eau attire mon attention. Les fenêtres sont
placardées et
le terrain manque d’entretien.
Conclusion : l'endroit est abandonné.
10-4 Rogers,
on fait un arrêt ici sur le chemin du retour ! le séjour au
camping allait paraître bien long.
Et en
revenant, miracle! l'exploration surgit des souvenirs. L'endroit
n'est pas seulement abandonné, mais en état de décrépitude: du 2:1!
Pire encore, le bâtiment est "Bien sans maître" c'est-à-dire qu'il
n'y plus de propriétaire: Cuir Sal-Tan a fait faillite en mai 2003
laissant le bâtiment sans propriétaire. La municipalité essaie de
faire transférer la propriété au gouvernement fédéral.
L'enthousiasme baissa subitement au son d'une voiture qui s'avançait
doucement sur le terrain et au claquement des portes de la voiture.
J'espérais que ce ne soit pas un gardien de sécurité qui
m'obligerait à quitter les lieux, après tout ce chemin… Malheur,
c'est encore pire! C’était deux policiers de la Sûreté du Québec.
Que dis-je, deux charmantes policières! qui sont reparties après
s'être assurées que je n'avais rien du vandale régional habituel.
La visite:
Avec
prudence nous faisons le tour de l'endroit, et rapidement nous
constatons que le bâtiment servait de tannerie pour le cuir.
L'ensemble de la structure est en beaux gros madriers de bois,
malheureusement, l'eau a fait beaucoup de dommages. À un tel point
qu'à plusieurs endroits, la toiture s'est écroulée sous le poids de
la neige et laisse maintenant de larges ouvertures dans la toiture
du bâtiment. Ce ne sera pas joli l'hiver prochain: l'usine subira
l'assaut final de l'eau et la toiture principale prendra sa retraite
en direction du sous-sol.
Au
premier contact, on voit rapidement que l'endroit a été abandonné
sans démantèlement. Beaucoup de machineries, pour ne pas dire 75%
est encore sur place. Des larges cuves en bois pour le tannage, en
passant par les machines pour la découpe et le comptage des peaux,
même les tunnels pour la teinture et le séchage étaient encore en
place. Bref à notre visite, l'usine semblait avoir été désertée
subitement. Un babillard dans l'entrée principale affiche des
communiqués de juillet 2002, voilà un indice du moment de la
fermeture de l'usine : fin 2002. Les travailleurs ont laissé bon
nombre d'articles de travail derrière eux, témoignant de
l'utilisation de chaque zone. Malheureusement, des pilleurs ont volé
tout le cuivre de la tuyauterie et des conduits électriques,
laissant l'endroit en bien mauvais état.
La visite de
l'endroit permet de contempler le style architectural classique des
usines de textile industriel du début du 20e siècle. Tout comme ses
cousins du Dominion Textile, ce
bâtiment
comporte plusieurs caractéristiques classiques. La proximité d'un
cours d'eau, les murs porteurs en briques rouges avec une vaste
fenestration, l'ossature de bois massif avec l'usage de colonnes en
fonte, les planchers et la toiture en 2x4 sur le clin, grand
escalier principal tout en bois. Une grande partie des fenêtres ont
été briquetées ou encore remplies de blocs de verre pour améliorer
l'isolation. La plupart des couleurs d'origine sont encore
visibles : vert foncé, blanc, beige. Tous ces éléments portent à
croire que l'usine a été construite entre 1890 et 1915 et non 1940
comme la fiche de la tour à eau et la municipalité de Louiseville
indiquent. Une construction de ce type sans isolation est conçue
pour être chauffée "au coton". Ainsi, les infiltrations d'eau ont un
effet minime sur la structure de bois et la neige fond sur le toit
au lieu de s'accumuler.
Le manque de chauffage et d'entretien depuis
plusieurs années a eu raison de la toiture à plusieurs endroits.
L'hiver prochain, ce sera au tour de la toiture du bâtiment
principal à céder, celle-ci montre déjà plusieurs signes
d'affaiblissements. L’une des pièces du bâtiment était digne d’une
scène de film d’horreur, remplie de supports à dents acérées, les
peaux y étaient accrochées pour séchage.
L'Associated Textiles of Canada Limited :
Cette
compagnie américaine qui s'installa à Louiseville fut la source d'un
des plus grands conflits syndical au Québec. En 1952 les quelques
800 tisserands de la compagnie déclenchent une grève pour
une
augmentation de 20 cents alors que l'employeur en offre une de 8½
cents. Le syndicat s'apprête malgré tout à accepter l'offre
monétaire lorsque la partie patronale annonce qu'elle refusera de
signer le nouveau contrat de travail tant que 4 clauses de
l'ancienne convention collective ne seront pas abandonnées. Le reste
de l'histoire est disponible ici:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grève_de_Louiseville_(1952)
Les cuirs Sal-Tan inc. :
Cette
compagnie aurait occupé les lieux de 1982 à mai 2003, date à
laquelle elle a été radiée d'office du registre des entreprises.
Tout comme Gestions Sal-Tan inc. autrefois dirigée par John Saliba.
Il nous a été impossible de connaître les motifs qui ont poussé la
compagnie à faire faillite et tout laisser derrière. Par contre, il
nous a été possible d'apprendre que cette compagnie était fort
polluante, à cause des rejets de son procédé de tannage au chrome.
L’usine de CUIRS SAL-TAN INC. à Louiseville prépare des peaux de
moutons destinées à la fabrication de vêtements et des peaux de
bovins destinées à la fabrication de meubles. Le traitement des peaux
de moutons comprend des étapes de retannage-teinture, de séchage,
d’assouplissement, de conditionnement et de finition. Les peaux sont
ensuite classées, mesurées et expédiées. Les peaux semi-finies de
bovins sont assouplies, conditionnées et finies avant d’être classées,
mesurées et expédiées. L’usine possède une capacité nominale de
production de 930 000 m2/an. En 1997, le taux d’utilisation de la
capacité nominale de production atteignait 80 % et l’usine employait
115 personnes.
source:
Ministère des travaux publics et
services gouvernementaux Canada
PRODUCTION
PRINCIPALES MATIÈRES PREMIÈRES
• Peaux de moutons tannées
• Peaux de bovins semi-finies
• Colorants
• Produits de retannage
• Laques
• Pigments
PRODUITS FINIS
• Peaux de moutons destinées aux
vêtements
• Cuir de bovin destiné à
l’ameublement